LE NT-proBNP

Resume

Le BNP et le NT-proBNP sont des biomarqueurs performants de l’insuffisance cardiaque en urgence. De nombreuses autres causes sont associées à une augmentation du BNP, surtout chez les patients âgés et polypathologiques. Néanmoins, la prise en compte de la probabilité empirique pré-test d’insuffisance cardiaque permet d’améliorer l’apport diagnostique de ces 2 biomarqueurs. Une valeur ne doit pas décider isolément d’un traitement (diurétiques ou vasodilatateurs) sous réserve de complications potentielles iatrogènes délétères. Le NT-proBNP est plus stable que le BNP, il ne se dégrade qu’après 4 jours à température ambiante, un atout certain dans tous les cas où il y a transport de tube.

Le cas de M. Jolicoeur

M. Jolicoeur, un heureux retraité de 70 ans, que vous suivez depuis longtemps. M. Jolicoeur vous consulte aujourd’hui pour une dyspnée progressive qui évolue depuis plusieurs semaines. Comme antécédents, il est connu pour une maladie cardiaque athérosclérotique avec angor stable II/IV et il fume un paquet de cigarettes par jour. Rien à l’anamnèse ni à l’examen physique ne vous oriente vers une cause infectieuse. Il a un œdème des membres inférieurs bilatéral s’empirant en fin de journée. Après une évaluation complète, deux diagnostics vous restent en tête pour expliquer cette dyspnée : une insuffisance cardiaque (IC) sur base ischémique ou une maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC). Le NT-proBNP peut-il vous aider à départager l’origine de la dyspnée?

Un peu de physiopathologie

Le terme NT-proBNP est l’acronyme anglais pour « portion N-terminale du propeptide natriurétique de type B ». Les peptides natriurétiques sont sécrétés par les myocytes cardiaques en réponse à une augmentation de tension dans les oreillettes ou les ventricules. Le peptide natriurétique de type A (pour atrial) est principalement sécrété par les oreillettes et est moins utile en clinique, tandis que le type B (pour brain), quoique initialement identifié dans le cerveau de porc, est principalement sécrété par les ventricules cardiaques. 

Il existe quatre facteurs natriurétiques peptides (A, B, C, D ou urodilatin) qui ont tous un rôle plus ou moins important dans l’homéostasie du sodium et la régulation de la volémie. Schématiquement, le pré-proBNP est sécrété par les myocytes ventriculaires du ventricule gauche (VG) car le VG est beaucoup plus volumineux que le ventricule droit. Le rôle du BNP est de contrebalancer l’activation des hormones (endothéline) et cytokines pro-vasoconstrictrices et l’activation du système rénine-angiotensine-aldostérone lorsqu’il existe une mise en tension de la paroi (stress pariétal ou étirement des myocytes) du VG. Le BNP permet une relaxation vasculaire systémique et artérielle pulmonaire, diminue le taux d’angiotensine, d’aldostérone et d’endothéline-1, augmente la filtration glomérulaire et l’excrétion rénale du sodium et diminuerait la prolifération des muscles lisses vasculaires. 

Il a donc une action natriurétique, diurétique et vasodilatatrice. Le NT-proBNP, secrété en même temps que le BNP, est un peptide de 76 acides aminés, résultant du clivage du proBNP au niveau sanguin. À l’inverse du BNP (20 minutes), le NT-proBNP a une demi-vie plus longue (90 minutes) et n’a aucune activité physiologique. Dans le sang, ses concentrations sanguines sont cinq à dix fois plus importantes que le BNP. Le NT-proBNP et le BNP s’élèvent avec l’âge, probablement secondairement à l’hypertrophie VG physiologique des sujets âgés. L’obésité diminuerait ses concentrations sanguines. Les taux sont augmentés chez la femme. En revanche, le diabète ne modifierait pas ses valeurs. Néanmoins, en dehors de l’âge avancé (> 75 ans), ni le poids, ni le sexe, ni une insuffisance rénale modérée (clairance de la créatinine ≥ 60 ml/min) ne modifieraient significativement les valeurs seuils de NT- proBNP ou BNP. Toutefois, comme pour le BNP, une insuffisance rénale sévère (clairance de la créatinine < 50 ml/min) augmente la valeur-seuil du NT-proBNP et diminue la performance diagnostique de ce biomarqueur.

Le NT-proBNP dans le diagnostic de l’insuffisance cardiaque

Étant donné que le NT-proBNP est sécrété en réponse à une augmentation de tension sur les parois des ventricules cardiaques, sa concentration est augmentée dans la dysfonction ventriculaire, permettant son diagnostic. La valeur de NT-proBNP ne permet pas de différencier une insuffisance cardiaque droite ou gauche, mais cette dernière est de toute façon beaucoup plus fréquente. La principale utilité du NT-proBNP est d’EXCLURE l’insuffisance cardiaque comme cause de dyspnée chez un patient symptomatique. À un niveau inférieur à 300 pg/mL, le NT-proBNP possède une sensibilité de 90 %, une spécificité de 84 % et une valeur prédictive négative (VPN) de 98 %. Ainsi, si un patient dyspnéique a une valeur de NT-proBNP inférieure à 300 pg/mL, vous êtes certain à 98 % que l’IC N’EST PAS la cause de la dyspnée. À l’inverse, une valeur élevée de NT-proBNP peut aider au diagnostic de l’IC, mais sa spécificité est moins bonne.

Diagnostiquer précocement l'insuffisance cardiaque chez les diabétiques de type 2

Comme la plupart des maladies chroniques, l’insuffisance cardiaque reste longtemps asymptomatique et, dans les formes congestives, la fraction d’éjection se dégrade progressivement avant que les premiers signes ne se manifestent. Peut-on diagnostiquer précocement cette lente dégradation chez les patients diabétiques de type 2 ? C’est ce que semble indiquer plusieurs études. Ainsi dans l’étude ADVANCE, le dosage de NT-proBNP et de la troponine a permis d’évaluer le risque de décès et de survenue d’événements cardiovasculaires chez 3 500 patients diabétiques de type 2. 

Dans une étude danoise, un taux de NT-proBNP > 125 ng/L s’est révélé être un facteur de mauvais pronostic chez 350 sujets diabétiques de type 2, et ce indépendamment de la microalbuminurie. Dans l’étude PONTIAC, 300 patients diabétiques de type 2 sans antécédents de maladies cardiaques et ayant un NT-proBNP > 125 ng/L ont été suivis soit en endocrinologie (groupe contrôle), soit en cardiologie où la posologie des traitements (bêtabloquants, IEC, ARA II, etc.) a été ajustée de façon plus intensive, avec notamment l’objectif de diminuer de moitié les taux de NT-proBNP. Cette stratégie a permis de diminuer les hospitalisations toutes causes, les événements cardiovasculaires et la mortalité. Bien que ces éléments nécessitent d’être confirmés par des études de plus grande ampleur, l’identification précoce des diabétiques à haut risque grâce au taux de NT-proBNP pourrait permettre d’en intensifier la prise en charge.

Suivi de l’insuffisance cardiaque

De ce point de vue les connaissances ont beaucoup progressé et la première indication du dosage du NT-proBNP est désormais l’optimisation du traitement de l’IC chronique, qui a été validée par plusieurs études en montrant une diminution de la morbi-mortalité grâce à cette stratégie. Le dosage permet d’identifier des patients qui ne sont pas stables alors qu’ils le paraissent à l’examen clinique. À chaque fois que les taux de NT- proBNP augmentent, il faudra optimiser le traitement et notamment augmenter les doses de médicaments aux doses recommandées. En pratique, l’objectif thérapeutique est d’atteindre un seuil validé de NT- proBNP ≤ 1 000 ng/L, ou à défaut le plus bas possible.L’idéal est de disposer d’un dosage avant chaque consultation afin de juger de l’évolution de l’IC par rapport à la précédente.

D’autres facteurs d’augmentation de NT-proBNP

De plus, plusieurs facteurs peuvent faire augmenter la concentration sérique de NT-proBNP, comme l’âge et l’insuffisance rénale. Pour ce qui est de l’insuffisance rénale, puisque le NT-proBNP est excrété par les reins, un taux de filtration glomérulaire inférieur à 60 mL/min/1,73m 2 ne permet pas d’interpréter les valeurs élevées de NT-proBNP. Par contre, une valeur normale en présence d’insuffisance rénale ou d’un âge avancé est d’autant plus rassurante.

Retour sur le cas de M. Jolicoeur

Un dosage du NT-proBNP, fait la journée même, revient à 200 pg/mL. Vous êtes donc à l’aise d’éliminer l’IC dans votre diagnostic différentiel. Vous prescrivez à votre patient une spirométrie en externe et débutez un traitement pour la MPOC.

Le NT-proBNP préféré au BNP

Dosé dans notre laboratoire, le BNP a été remplacé par le NT-proBNP. Différentes raisons, préanalytiques, analytiques et biologiques ont motivé notre choix :

  • chez les patients souffrant d’une insuffisance cardiaque modérée (NYHA I et II), la sensibilité (87 %) et la spécificité (94 %) du NT-proBNP est meilleure que celle du BNP (sensibilité : 78%; spécificité: 87 %)
  • le dosage du NT-proBNP s’effectue sur un prélèvement recueilli sur héparinate de Li, qui est le même prélèvement que celui utilisé pour le dosage de la troponine
  • le NT-proBNP présente une stabilité plus longue dans l’échantillon (3 jours à T° ambiante)
  • la demi-vie du NT-proBNP (1 à 2 h) étant plus longue que celle du BNP (20 mn), sa concentration sanguine sera plus élevée
  • la concentration du NT-proBNP n’est pas influencée chez un patient traité par une BNP recombinante
  • l’indication de dosage du NT-proBNP est la même que celle du BNP

Autres indications et perspectives

  • NT-proBNP et syndrome coronaire aigu (SCA) Chez un patient présentant un SCA avec ou sans sous-décalage de ST, le dosage du NT-proBNP est indiqué dans une visée pronostique : des taux élévés sont associés à un risque accru de décès, et ce indépendamment d’autres éléments (âge, taux de troponines, FEVG, etc.). Ainsi, dans l’étude GUSTO IV qui a inclus 7 800 patients, les taux de NT-proBNP ont permis de stratifier le risque des patients et d’identifier ceux qui obtiennent le plus grand bénéfice d’une revascularisation immédiate. Le remodelage ventriculaire est un processus actif après un infarctus du myocarde pouvant favoriser une dysfonction ventriculaire gauche parfois sévère. Elle peut apparaître dans les semaines ou les mois qui suivent. L’échographie cardiaque reste l’examen de référence pour évaluer ce remodelage, mais elle ne livre pas toutes les informations. Chez des patients en post-IDM (infarctus du myocarde), une équipe britannique a montré que le paramètre le plus puissant pour prédire l’indice de mobilité pariétale (wall motion index) à 4,5 j (médiane) et 50 j (médiane) était le dosage du NT-proBNP. Le taux de NT-proBNP était bien corrélé à la dysfonction ventriculaire : élévé en particulier chez les patients qui avaient les altérations les plus sévères ou qui étaient décédés. En revanche un taux <2029 ng/L était prédictif d’une évolution favorable.
 
  • Surveillance de la fonction cardiaque des patients en chimiothérapie Certaines chimiothérapies anticancéreuses ont un effet cardiotoxique, notamment les anthracyclines dont les doses sont cumulatives avec un risque d’apparition de troubles cardiaques (en particulier insuffisance cardiaque, mais aussi trouble du rythme supraventriculaire et ischémie myocardique) à partir de 450 mg/m 2. Pour identifier les sujets à risque d’événements cardiaques (notamment survenue d’une IC), le NT-proBNP est plus informatif que la troponine ou les CK-MB. Dans une étude, 34 % des patients avaient en post-chimiothérapie uneélévation ou une élévation transitoire du NT-proBNP. Certains d’entre eux avaient une élévation persistante du NT-proBNP liée à un risque accru de développer une IC à moyen terme. Les dosages de NT-proBNP réalisés avant le traitement, puis en cours de traitement, permettent donc d’identifier les sujets à risque et d’évaluer les effets cardiaques de ces thérapeutiques et de potentiellement aider à la prise de décision : mise en place d’un traitement bloquant le SRAA pour prévenir l’apparition de la maladie. Enfin, chez des femmes atteintes d’un cancer du sein recevant de la doxorubicine aux effets cardiotoxiques connus, les taux de NT-proBNP étaient significativement plus élevés chez celles dont la fraction d’éjection ventriculaire gauche allait diminuer. La réduction de la fraction de raccourcissement ventriculaire gauche était corrélée à des taux élevés de NT-proBNP.

Bibliographie

  1. Richards AM et al. N-Terminal Pro-Brain Natriuretic Peptide : A Powerful Biomarker of Cardiac Disease. Journal of Cardiac Failure. Suppl. 2005. Vol 11, N° 5.
  2. Kucher N. et al. Low pro-brain natriuretic peptide levels predict benign clinical outcome in acute pulmonary embolism. Circulation 2003; 107:1576- 78.
  3. Januzzi JL Jr. et al. The NT-proBNP Investigation of Dyspnea in the Emergency Department (PRIDE) Study. Am J Cardiol 2005; 95:948-954.
  4. Trinquart L., Ray P., Riou B., Teixeira A. Natriuretic peptide testing in EDs for managing acute dyspnea: a meta-analysis. Am J Emerg Med 2011; 29 : 757-767.

Contact: Dr Ngouana Kammalac Thierry; Tel: 6 99 74 92 47 / 6 76 16 33 53; email: ngouanathi@yahoo.com – laboratoiresion@yahoo.com

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